Ça fait plusieurs semaines que je désire écrire sur le sujet, mais je ne trouvais pas la bonne approche. Ce qui se passe en ce moment concernant l’immigration : les mouvements anti-immigration, le racisme, le suprémacisme blanc (tsé la supériorité des blancs), la xénophobie et j’en passe me lève les poils sur les bras. Je ne sais pas comment on peut renverser tout ça. Tant de violence, et je ne parle même pas de celle qu’on voit. Je parle de ces petits gestes au quotidien qui se glissent dans les conversations, dans les esprits, dans la conscience collective et qui détruisent petit à petit des bouts d’âme et de bien-être collectif. On le voit s’incruster tranquillement, mais dangereusement dans la population. Une jeune fille noire qui se fait dire par un collègue de classe de retourner dans son pays alors qu’elle est née ici d’une mère blanche et d’un père noir. Une femme qui se fait insultée parce qu’elle porte un voile, un homme compétent qui se fait refuser en entrevue parce qu’il n’a pas un nom québécois typique, une famille qui se fait discriminer dans le choix d’un appartement et j’en passe. Le fameux Je ne suis pas raciste, mais… qui commence à prendre de l’ampleur sans qu’on ne fasse rien pour l’arrêter. C’est comme si l’on avait oublié qu’on est tous immigrants. À moins que tes ancêtres soient amérindiens, on vient tous d’ailleurs. On dirait que tout cela est oublié. Tout cela n’est axé que sur la peur : la peur de l’inconnu, la peur de perdre nos acquis… Moi, bien honnêtement, ce qui me fait peur c’est ce qui se passe en ce moment. Ce climat malsain de haine et de fermeture. Ça, c’est dangereux pour moi. On n’a pas besoin de remonter très loin pour voir les effets de cette pensée : la nazisme vient, en grosse partie, de cette même vision. C’est comme ça que débutent les guerres et la violence. Bref, cette grosse intro pour te dire que j’ai cherché une façon d’aborder le sujet sans entrer dans le côté émotif où tout le monde n’écoute plus et où chacun cherche à avoir raison. Ici, on n’est clairement pas dans un débat d’idée, mais bien dans un débat émotionnel. J’ai donc décidé de parler de ce dont on ne parle jamais : l’apport des personnes immigrantes. On parle sans cesse de ce qu’on leur apporte, mais rarement de ce qu’elles nous apportent. Comme si c’était à sens unique. Vraiment? Les personnes immigrantes ne nous apportent rien? Alors, voilà mon top 10 de ce que les personnes immigrantes m’apportent tous les jours.

 

1-La résilience (capacité à se relever suite à une épreuve)

Les personnes immigrantes (encore plus pour les réfugiés) ont un parcours rempli de résilience. Imagine si demain tu perdais tout : ta maison, des membres de ta famille, ton travail, ta sécurité, tes repères et qu’il n’y avait plus rien en avant de toi. Je ne sais pas pour toi, mais moi je badtripperais rare! Alors, imagine ça, pis rajoute que soudainement tu te retrouves dans un nouveau pays avec de nouveaux repères et qu’on ne te laisse pas le temps de guérir tes blessures parce que tu dois rapidement retrouver un travail, une maison, une structure, comprendre les normes du pays, apprendre parfois une langue… J’ai une admiration sans bornes pour les personnes qui se relèvent de tout ça et qui font tout ce qu’elles peuvent pour refaire leur vie malgré tout. Leur résilience m’inspire énormément.

 

2-La capacité d’adaptation

La capacité d’adaptation des personnes immigrantes est assez hallucinante. Quitter tout, même si on est d’accord, demande une grande force de caractère. Aller dans un autre pays demande d’oublier un peu ses repères et de fouiller pour trouver les nouveaux. Quelle est cette nouvelle langue? Comment m’adapter dans cet hiver enneigé? Que puis-je faire? Est-ce recommandé de serrer la main des gens ou au contraire est-ce une insulte? Puis-je contester une décision ou dois-je me taire? Des gestes simples deviennent des questionnements jour après jour. S’adapter à une nouvelle culture ce n’est pas si simple. Suffit de voyager un peu pour s’en rendre compte.

 

3-La capacité de se détacher du regard des autres

Quand je me promenais en Thaïlande, je trouvais parfois agaçant d’être blanche. On savait que je n’étais pas une locale. On pouvait ainsi me vendre les trucs quelques bahts plus chers que tout le monde. Je ne savais pas si l’on était sincère avec moi quand je demandais des conseils sur des lieux. Bref, je ne pouvais pas passer incognito. On me voyait partout et ça me dérangeait. J’aurais aimé faire partie de la communauté, pas être la touriste. Ça n’a duré qu’un mois donc ce n’est pas dramatique. Par contre, je pense aux immigrants qui arrivent ici et qui n’ont pas le teint occidental typique. Ce regard, ils l’ont chaque jour. Ils le ressentent quand ils se cherchent un emploi et un loyer, quand ils font leurs commissions à l’épicerie, quand ils parlent avec leur famille dans une autre langue, quand ils ont de la difficulté à communiquer dans l’autobus ou ailleurs. C’est chaque jour. Pour passer au travers de ces regards, ils doivent développer une capacité à se détacher de l’opinion des autres et de ce sentiment d’être sans cesse observé. Il faut avoir une grande confiance en soi pour rester soi-même malgré le regard omniprésent des autres. Ça m’inspire beaucoup dans ma vie.

 

4-L’importance des valeurs

On reproche souvent aux personnes immigrantes de rester accrochées à leurs valeurs. Comme si en arrivant dans un nouveau pays on devait tout mettre aux oubliettes ce qu’on connait et recommencer du début. Malheureusement, ce n’est pas aussi simple. Si l’on pouvait faire ça, j’imagine qu’on pourrait aussi faire ça avec notre enfance et nos traumatismes (plus besoin de thérapies!). C’est exactement la même chose pour nos valeurs. Elles ne disparaissent pas comme par magie. On focusse beaucoup sur les valeurs qui nous dérangent (la religion pour ne nommer que celle-là), mais on oublie les valeurs d’entraide, de partage, de collectivité, d’ouverture que plusieurs communautés et personnes amènent avec elles. C’est beau à voir et ça apporte un gros plus à notre société occidentale individualiste et pressée.

 

5-La culture

Des personnes avec des cultures différentes qui arrivent ici nous permettent souvent de voyager sans quitter le Québec. Elles amènent avec elles des recettes de leur pays d’origine, des langues à apprendre, des histoires complètement hallucinantes, des modes de vie différents, etc. On a beaucoup à apprendre d’elles. Croire que notre culture est meilleure que celle des autres serait un peu prétentieux. On a tellement à apprendre dans le partage! Que seraient nos menus si l’on s’était fermé à la culture italienne, asiatique, mexicaine…? On mangerait encore tous les jours des ragoûts et des plats mijotés. Bref, on aurait avantage à s’ouvrir aux autres. On en apprendrait tous les jours.

 

6- Le courage

Il faut être courageux pour tout laisser en arrière pour recommencer dans un nouveau pays et une nouvelle culture. Leur courage m’impressionne beaucoup. On a souvent peur de faire un move pour changer quelque chose qui nous déplait dans notre vie. On a qu’à penser au nombre d’années qu’on passe à détester un emploi par peur de tout quitter et de recommencer ailleurs. Imagine si ce n’est plus juste un emploi qu’on quitte, mais tous ses repères. Ça demande un sacré courage et cela m’inspire beaucoup!

 

7-D’autres façons de faire

Discuter avec des personnes originaires d’ailleurs m’aident à m’ouvrir à d’autres façons de voir la vie. On a beaucoup à apprendre de ce qui se fait ailleurs. On ne peut pas croire qu’on a trouvé toutes les solutions aux problèmes sociaux, politiques, environnementaux, humains… Les différentes personnes rencontrées et leurs bagages permettent de réfléchir à d’autres façons de gérer nos vies, nos relations, nos équipes de travail, etc. Elles sont un acquis dans nos milieux de travail, entre autres, pour réfléchir à d’autres manières de développer nos transports, l’innovation sociale, la science, les entreprises, etc. Ce n’est pas parce qu’on fait quelque chose d’une manière que c’est assurément la meilleure façon d’agir. Il faudrait avoir assez d’humilité pour remettre en question nos façons de faire pour s’améliorer.

 

8-Le fait d’apprécier ce que l’on a

Si l’on demandait aux gens qui habitaient en Irak, Syrie et environs s’ils pensaient un jour voir leurs villes et pays dévastés comme ça, ils auraient tous répondu non. On vit tous chez soi en se disant que notre milieu de vie sera toujours comme aujourd’hui. Pourtant, du jour au lendemain, des guerres peuvent tout détruire. Personne n’est à l’abri de ça. Le fait de voir des personnes réfugiées qui ont tout perdu (un pays, une maison, un milieu de vie, un voisinage, un emploi…) m’amène à apprécier encore plus ce que j’ai. Les personnes qui arrivent ici n’ont rien, gardent malgré tout espoir et se reconstruisent tranquillement du mieux qu’ils peuvent (avec le support de la communauté c’est mieux). Cela m’amène à dédramatiser ce que je peux vivre comme difficultés. De plus, ça m’amène à ne rien tenir pour acquis. Ce n’est pas parce que mon milieu est sécuritaire aujourd’hui qu’il le sera toujours (surtout avec le voisin américain qu’on a…) Tout ce que je sais c’est que si demain mon milieu de vie était détruit j’aimerais qu’on m’ouvre les portes ailleurs et qu’on m’aide à reconstruire ma vie.

 

9-Diminuer ses préjugés

Avoir des préjugés c’est humain. Par contre, il faut avoir le courage de les confronter. Côtoyer des personnes qui viennent d’ailleurs aide à remettre en perspective ce qu’on prend parfois pour du cash. En voyage, j’ai pu expérimenter cela. Habiter sous le même toit que trois hommes irakiens m’a amené à détruire plusieurs de ces préjugés. Les gens qui me connaissent savent à quel point je pose toujours des questions. Ces trois gars n’y ont pas échappé. Toutes les questions malaisantes, je les ai posées. J’ai eu le plaisir de déconstruire mes idées préconçues sur les hommes arabes et musulmans. Jamais, je n’ai senti un jugement ou du mépris parce que je suis une femme. Ils riaient de mes jokes avec un certain plaisir et nos discussions sur la religion étaient extrêmement intéressantes et ouvertes. Au final, ce n’était qu’une soirée sympa avec quatre gars normaux et une fille un peu folle qui parlaient de la vie et partageaient un bon repas aux saveurs irakiennes. Être en contact avec les personnes d’ailleurs aide à changer nos perceptions et à diminuer nos préjugés. Il suffit d’être juste un peu ouvert pour vivre de belles expériences et arrêter de croire qu’on a la vérité absolue. Ça se peut qu’on se trompe dans nos idées et ce n’est pas grave. C’est la belle partie de la vie!

 

10-La fierté de partager d’où l’on vient

On aime tous parler de ce que l’on aime, de notre pays, de ce dont on est fier, d’où l’on vient… Discuter avec des personnes immigrantes, c’est le plaisir de partager tout ça. Elles nous parlent de leurs origines et l’on parle des nôtres. On apprend de l’autre et l’on prend plaisir à faire découvrir des choses nous aussi. Parler avec une personne qui connait peu notre culture, c’est la possibilité de parler fièrement de notre patrie. C’est quelque chose qu’on peut moins faire avec les natifs, car les repères sont les mêmes. Imagine le plaisir de faire découvrir le pâté chinois ou la poutine à quelqu’un qui ne connait pas, la fierté d’enseigner quelques mots de français ou les fous rires occasionnés par une chanson des trois accords. Chaque personne est heureuse d’en apprendre à l’autre. C’est donc un beau partage de culture et de repères qui se mêlent à travers des discussions et le plaisir.

 

Quand on s’ouvre aux personnes immigrantes, on en vient à arrêter de les voir comme des ennemis ou des dangers. On les voit comme des êtres humains tout à fait normaux qui peuvent nous apporter tellement de belles choses. Arrêtons de focusser sur nos différences (après tout, on en a avec tout le monde), et mettons notre énergie sur ce qui nous rapproche. Je rêve du jour où l’on va arrêter de voir qu’il y a Nous et Eux, mais seulement une belle grosse gang de personnes rassemblées qui construit ensemble une société unie et ouverte sur le monde. C’est peut-être naïf, mais je m’assume. Je crois que ça commence au quotidien : en développant des liens avec des gens d’autres nationalités, en étant critique sur ce qu’on lit et voit dans les médias et les réseaux sociaux, en s’ouvrant sur le monde en lisant et en rencontrant d’autres personnes… On a une responsabilité individuelle et collective à ce niveau-là. Malgré nos différences, nos couleurs de peau, nos langues, nos repères, on est tous humains! Ça serait peut-être le temps qu’on s’en rende compte.

Et toi, as-tu vécu une belle histoire avec un nouvel arrivant que tu as envie de nous raconter?

Profil

Annick Beauchemin
Créatrice de Bien Différent. Curieuse, entêtée, gourmande, contradictoire et parfois un peu folle, Annick aime tout découvrir. Elle adore voyager même si son coeur appartient au Québec. Elle aime apprendre des autres et toucher les gens. Ses obsessions : les produits du terroir (chocolat, fromage, pain, café latté), tremper ses pieds dans l'eau, psychanalyser tout le monde et être la première à découvrir quelque chose