Bon, tout d’abord désolé pour le gros mot même s’il est justifié! Chaque fois que je vois que quelqu’un cherche à maigrir ou débute un régime ou va au gym dans la seule optique de perdre du poids, ça me fait lever les poils sur les bras. J’ai une certaine tristesse et une indignation à voir ça.

Quand je vois des gens qui prennent leur énergie et leur temps dans le seul but de diminuer le chiffre d’une balance, je suis triste. Triste parce que ça veut dire que cette personne met son énergie dans le paraître plutôt que dans l’être. Pendant qu’elle met toute son énergie à perdre du poids, elle ne le met pas à s’accepter, à croire en elle, à mettre sur pied des projets, à réaliser des rêves, à rencontrer des gens stimulants… C’est une perte pour elle, mais aussi pour toute la société.

Je sais ce que tu vas me dire. Annick, elle a peut-être un problème de surpoids qui nuit à sa santé. Premièrement, surpoids ne veut pas automatiquement dire problème de santé. Deuxièmement, sérieusement, pense aux gens dans ton entourage qui font des régimes ou qui s’entraînent en fou. Est-ce vraiment les filles avec de supposés problèmes de poids? Non, c’est ça que je pensais. Je suis triste de voir qu’il y a encore beaucoup trop de femmes qui ne s’aiment pas au point de se faire vivre des choses comme ça : couper complètement une sucrerie tant aimée, faire du jogging alors qu’elle déteste ça, développer une relation amour-haine avec sa balance… La vie n’est pas assez longue pour se faire chier! On ne pourrait pas apprendre à bien manger en gardant l’aspect plaisir en première ligne? On ne pourrait pas démarrer une nouvelle activité par soif de vivre quelque chose de nouveau ou de triper sur un sport? On ne pourrait pas arrêter de voir un chiffre sur un corps si différent d’une personne à l’autre?

Avant, chaque fois, que je voyais une publication/article/phrase ou whatever quoi par rapport à la perte de poids, ça m’ébranlait. Ça me rappelait que je n’avais peut-être pas le droit d’essayer de m’accepter comme je suis alors que la majorité de ces filles étaient assurément plus minces que moi. Je me disais que moi aussi je devrais peut-être me mettre au jogging (j’hais le jogging!) pour avoir de belles photos sur la plage et ça me confrontait sur ma possibilité de m’aimer comme je suis. Ça m’amenait à douter : douter de moi, mais douter aussi de mon droit à m’aimer comme je suis. Puis, j’allais souper avec des amies. Je diminuais ce que je mangeais pour ne pas avoir l’air de la cochonne du groupe. Je me comparais sur les photos de groupe. Puis, ça m’accompagnait partout.

Perdre du poids, c’est un choix personnel que tu vas me dire. C’est vrai? Alors, pourquoi devoir l’écrire sur les médias sociaux et le dire à tout un chacun? Un besoin d’être rassuré? Un besoin d’être vu? Un besoin d’être motivé à poursuivre? Je sais que je ne ferai pas l’unanimité, mais dans ce cas-ci ce n’est plus un choix personnel parce que ça touche pleins d’autres personnes. Quand j’ouvrais mon ordi pis que je voyais TON choix personnel, ça venait m’ébranler. Pis, je n’ai même pas de trouble alimentaire! Alors, imagine l’impact sur une fille qui essaie de travailler sur sa relation avec son corps et l’alimentation! Si c’est tant un choix personnel, pourquoi devoir le dire à tout le monde? C’est peut-être pas aussi personnel que tu penses. Est-ce que tu voudrais autant perdre du poids si t’habitais sur une île déserte et que personne ne pouvait voir et approuver ta transformation? Ouais, c’est peut-être pas si personnel que ça finalement.

Mais, je vais te dire ce qui m’indigne le plus là-dedans. Ce n’est pas que je doive gérer le fait de voir tes publications chaque jour. Non, c’est le fait que les jeunes filles grandissent en voyant ces messages-là. C’est une fillette de quatre ans qui voit sa mère, sa tante, sa cousine, sa grand-mère mal dans sa peau et qui grandit avec ça en elle. C’est une fillette qui développe une obsession pour l’apparence alors qu’elle devrait jouer dans la bouette et s’en foutre un peu. C’est le fait qu’on met des trucs comme ça dans la tête des petites filles, qui grandissent en complexant et qui finissent par elles aussi s’en faire à l’âge adulte sur leurs poids et leur apparence. Me semble qu’on pourrait leur offrir un meilleur héritage : la force, le courage, la détermination, la soif d’apprendre, la confiance en elle, l’ouverture aux autres, le leadership.

J’ai l’air de t’en vouloir de perdre du poids, mais ce n’est pas le cas. T’es comme un peu une victime d’une société qui met un peu trop d’énergie sur des trucs futiles qui font vendre. Imagine l’argent qui va dans l’industrie du paraître : les gyms, le maquillage, l’esthétisme, les chirurgies esthétiques, les vêtements de sport, les crèmes et produits pseudomiracles, les régimes… Il y a assurément des gens qui gagnent à ce qu’on ne s’aime pas trop.

Tes publications, elles me dérangeaient avant. Maintenant, elles me fâchent à cause de l’impact qu’elles ont socialement sur les autres femmes qui doutent d’elles, sur les femmes (ou les hommes) qui ont des troubles alimentaires, sur toi qui t’empêches de te réaliser, sur nos ados qui voient leur corps changer et qui angoissent, mais surtout sur la charge qu’on met sans le savoir sur les épaules de nos enfants.

Maintenant, tes publications n’ont plus d’impact individuellement sur moi. J’ai ouvert une porte à l’acceptation et au bien-être. J’apprends de plus en plus à me faire confiance. J’apprends de plus en plus à me regarder dans le miroir et à me trouver belle. J’apprends de plus en plus à arrêter de m’en faire avec le regard des autres. J’apprends de plus en plus à trouver des activités que j’adore plutôt que des activités qui vont me faire perdre des calories. J’apprends de plus en plus à faire des choix alimentaires qui m’allument : des produits frais, des produits locaux, des produits santé et des produits cochons plutôt que de vivre une relation utilitaire avec la nourriture. Pis, je porte l’envie que mon attitude, mon ouverture, ma détermination soient aussi contagieuses sur les gens autour de moi que l’est l’envie de bien paraître et d’être mince. Ce n’est pas parfait. Il m’arrive de ne pas me trouver à la hauteur. L’acceptation, c’est un combat chaque jour et je n’ai pas perdu de poids pour apprendre à m’aimer. Qui dit que j’aurais finalement eu confiance en moi avec quelques livres en moins? J’en doute.

J’ai d’abord appris à m’aimer en acceptant certaines choses chez moi et en mettant de l’avant mes qualités. J’ai aussi lâcher-prise sur certaines choses. Mon voyage m’a beaucoup aidée avec ça! J’ai fait le deuil que je ne sois jamais la sex-symbole dans le bar ou sur la plage. J’ai accepté que je sois peut-être reconnue pour autre chose que ça. Pour mon sens de l’entraide? Ma détermination dans mes projets? Mon ouverture d’esprit? Pis honnêtement, j’aime ben mieux qu’on se souvienne de moi pour ça plutôt que pour mon corps de rêve ou mes cheveux toujours parfaits. La vie est beaucoup trop courte pour en perdre à s’en faire avec le corps qu’on a. Moi, j’aime mieux l’utiliser à devenir la femme que je désire être et agir pour faire une différence pis si je peux inspirer quelques femmes ou ados à se faire confiance et à aller au bout de leurs rêves, j’aurai assurément réussi ma vie.

Fuck les régimes, vive l’acceptation!

Profil

Annick Beauchemin
Créatrice de Bien Différent. Curieuse, entêtée, gourmande, contradictoire et parfois un peu folle, Annick aime tout découvrir. Elle adore voyager même si son coeur appartient au Québec. Elle aime apprendre des autres et toucher les gens. Ses obsessions : les produits du terroir (chocolat, fromage, pain, café latté), tremper ses pieds dans l'eau, psychanalyser tout le monde et être la première à découvrir quelque chose