Je suis née au Canada. J’ai eu de la chance. Le dé a tourné en ma faveur. Je suis née dans un des pays les plus sécuritaires au monde. Je peux écrire sur ce blogue sans risquer de me faire emprisonner et de recevoir des coups de fouet comme Raif Badawi. Je peux conduire. Je peux prendre des décisions et avoir un travail. Je peux m’habiller comme il me plait. Je peux marcher le soir dans mon quartier sans risquer d’y mettre ma vie en danger. J’ai accès à des soins de santé. J’ai le droit de décider si je garde un bébé ou si je me fais avorter. J’ai un toit sur la tête. Si je n’ai pas assez d’argent, je peux recourir à des organismes qui pourront m’aider à me nourrir et à me vêtir. Si je suis homosexuelle, je peux vivre assez librement sans crainte de représailles. Je peux écouter la musique et lire les livres que je veux. Bref, j’ai une chance inouïe. On l’oublie souvent la chance qu’on a d’être né dans un pays comme le Canada. On s’assoit beaucoup là-dessus.

Un reportage percutant

Ça faisait longtemps que je n’avais rien écrit sur le blogue. Je n’avais rien à dire d’intéressant. Je suis un peu dans une période creuse dans ma vie et j’ai préféré faire un silence radio. Je reprends tranquillement l’envie de m’indigner et de m’embarquer dans pleins de projets. C’est bon signe héhé! Ce matin, j’ai décidé de lire de vieux articles que je voulais regarder depuis un bout. C’est là que je suis tombée sur un reportage de Radio-Canada sur des Africains pris dans des prisons en Libye dans des conditions assez misérables/inhumaines. Ça m’a brassé la cage. Je t’invite à le regarder. Comme il date de septembre, j’ai naïvement espéré que la situation s’était réglée et qu’il n’y avait plus de gens dans des situations comme ça. Malheureusent, ce n’est pas le cas.

Pas d’empathie pour les Africains

Ce sont des personnes qui ont fui leur pays pour avoir une meilleure qualité de vie et qui se sont fait arrêter par les autorités. Ces personnes sont empilées (oui oui ils n’ont même pas assez de places pour se déplier les jambes) dans des conteneurs fermés sans lumière avec un seul repas par jour. Et ça, c’est les prisons légales. Imagine les prisons clandestines. Les gens sont voués à mourir alors que tout ce qu’ils ont demandé c’est d’avoir de l’aide. On n’est pas au courant de ce qui se passe là-bas. On ne veut pas vraiment savoir. C’est si loin de nous. Des gens qui viennent d’Afrique. On se déculpabilise en se disant qu’on ne peut rien faire alors qu’au final c’est juste qu’on ne veut rien faire. Si c’était des Européens, on se mobiliserait. On dénoncerait sur les médias sociaux cette situation. On mettrait une photo en soutien. On en parlerait. On accueillerait des gens ici. Bref, on se bougerait les fesses.

On n’a jamais vécu une souffrance comme ça

Ça m’attriste de voir l’empathie assez variable dont nous faisons preuve. On oublie de regarder la situation d’un angle qu’on ne connaît pas : l’insécurité, la peur, le danger, la vraie souffrance. On n’a pas de repères pour ça. On n’a jamais vécu ça d’avoir peur de sortir de chez soi parce qu’on risque de se faire tirer dessus ou qu’il y ait une bombe au centre d’achats du coin. On n’a jamais vécu ça de devoir être chez soi 24 heures sur 24 parce que ce n’est pas sûr de sortir. On n’a jamais vécu ça d’avoir peur de perdre un membre de notre famille juste parce qu’il occupe un poste quelconque qui ne fait pas l’affaire des dirigeants. On n’a jamais vécu cette souffrance et cette peur permanente. On est chanceux. On devrait être reconnaissant pour cette chance.

La force de l’humain

On oublie qu’on n’est jamais à l’abri de ça. Le Québec n’a pas toujours été calme et paisible. Nos ancêtres ont dû se battre pour que nous ayons des droits comme francophones, comme femmes, comme minorités… On a dû se battre. Il y a des gens qui ont contribué à améliorer nos conditions de vie. Merci aux gens qui ont eu la force de se battre avec nous! On ne devrait jamais perdre notre empathie et notre indignation, car c’est ce qui nous distingue comme être humain. Tous les peuples sont pareils. Nous voulons être heureux et en santé. Nous voulons le mieux pour nos enfants, notre famille et nos amis. Nous voulons un milieu de vie où nous pouvons nous développer et nous réaliser. Nous voulons nous sentir en sécurité où que nous soyons. Nous voulons tous la même chose.

Ne rien faire

Je trouve inquiétant de voir notre manque d’empathie et d’intérêt envers d’autres humains. Comme s’il y avait un niveau de mérite. Nous méritons plus d’être heureux que ces personnes. Nous avons décidé de la valeur d’une vie. Ces personnes peuvent mourir de faim, se faire violer, se faire battre, mourir dans la noirceur et dans la souffrance et nous ne ferons rien. Un jour, peut-être que ce sera nous ces personnes. On ne le sait pas. Mais j’espère avoir de l’aide si un jour je dois vivre ça.

On a du pouvoir

Je t’entends déjà me dire : nous ne pouvons quand même pas aider tout le monde. Peut-être pas directement en effet. Commençons par en parler, par nous indigner, par ouvrir le dialogue, par être accueillants et empathiques et ce sera déjà un énorme pas. Nous avons beaucoup plus de pouvoir que nous croyons. Des peuples qui se lèvent peuvent faire avancer les choses. Si nous voulions vraiment améliorer le sort de milliers de personnes, nous le ferions. Mais nous préférons nous concentrer sur notre vie, nos petits problèmes du quotidien et nous déculpabiliser en nous disant que le don que nous avons fait à la Croix-Rouge il y a six mois aura aidé quelqu’un quelque part.

Tu aimerais réellement faire ta part? Parles-en autour de toi. Remets les choses en question. Ouvre le dialogue avec une personne de ton milieu qui vient d’ailleurs. Informe-toi sur ce qui se passe dans le monde. Fais du bénévolat. Sois ouvert. Mais surtout, continue à développer ton empathie et à offrir ton soutien aux personnes qui souffrent peu importe leur origine, leur pays, leur sexe, leur âge, leur milieu de vie et leur orientation sexuelle. On est tous pareils. On est tous humains.

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Profil

Annick Beauchemin
Créatrice de Bien Différent. Curieuse, entêtée, gourmande, contradictoire et parfois un peu folle, Annick aime tout découvrir. Elle adore voyager même si son coeur appartient au Québec. Elle aime apprendre des autres et toucher les gens. Ses obsessions : les produits du terroir (chocolat, fromage, pain, café latté), tremper ses pieds dans l'eau, psychanalyser tout le monde et être la première à découvrir quelque chose